Étienne Klein

« Aimer la vérité, oui, mais pas déclarer vraies les idées que nous aimons »

https://www.lecho.be/dossiers/coronavirus/etienne-klein-aimer-la-verite-oui-mais-pas-declarer-vraies-les-idees-que-nous-aimons/10224214.html (Extrait)

[…] Car en vérité, il y a beaucoup de choses que nous savons tous : par exemple que la Terre tourne autour du Soleil, qui lui-même tourne autour du centre de la galaxie ; que les espèces vivantes évoluent ; que l’univers est en expansion, etc. Mais saurions-nous raconter quand, comment et par qui ces découvertes ont été établies ? Pourrions-nous expliciter les arguments qu’elles ont fait se combattre? Serions-nous capables d’expliquer comment certaines thèses ou certains faits sont parvenus à convaincre, à clore les discussions ? Reconnaissons humblement que non, nous ne savons pas répondre à ces questions. Or, cette mauvaise connaissance que nous avons de nos connaissances nous empêche de dire ce par quoi elles se distinguent de simples croyances.

Pour tenter d’améliorer la situation, nous, les scientifiques, devons mieux expliciter comment, au cours de l’histoire des idées, certaines connaissances scientifiques sont devenues telles. C’est le seul moyen d’éviter que Nietzsche ait eu un peu trop raison. En 1878, dans « Humain, trop humain », il a écrit un chapitre intitulé « L’avenir de la science ». On y trouve cette phrase: « Le goût du vrai va disparaître au fur et à mesure qu’il garantira moins de plaisir; l’illusion, l’erreur, la chimère vont reconquérir pas à pas, parce qu’il s’y attache du plaisir, le terrain qu’elles tenaient autrefois. »

Nous déclarons aimer la vérité, ce qui est ma foi très bien, mais cela ne doit pas nous pousser à toujours déclarer vraies les idées que nous aimons!  […]