Le Strat – Khun

S. Le Strat   Epistémologie des sciences physiques.

Il revient à Alexandre Koyré d’avoir analysé la nature de la révolution scientifique que connut l’Europe au XVIIème siècle. On a peine aujourd’hui à imaginer la mutation des esprits, des méthodes et des concepts que requit cette révision totale de ce que nous pourrions appeler « notre conception du monde ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit ; Galilée, Descartes, Newton ne se sont pas contentés de décrire le monde d’une autre façon qu’Aristote ou Plolémée : ils ont détruit un monde pour le remplacer par un autre. La physique d’Aristote s’appuyait sur le sens commun : il nous semble naturel en effet que les corps lourds tombent vers « le bas » et que la flamme d’une allumette se dirige vers «le haut». De la même façon, ne distinguons-nous pas spontanément l’espace habité par les êtres vivants, la «région sublunaire», soumise à la naissance, à la mort et aux changements, des cieux constellés d’astres qui semblent décrire immuablement les mêmes trajectoires régulières, la « région supra-lunaire ». Autrement dit, notre conception première de l’espace est aristotélicienne : elle postule un monde clos, limité par la voûte étoilée, constituant un tout ordonné dans lequel, pour reprendre l’expression de Koyré, « chaque chose a sa place ». C’est ce monde rassurant, hiérarchisé, harmonieux, nous enveloppant comme une bulle translucide, que les savants du XVIIème siècle ont fait irréversiblement éclater.    

Thomas KHUN   La structure des révolutions scientifiques.

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